Deux grandes barriques entourées de torches flambantes versaient à boire à
la foule. Deux servantes étaient occupées à rincer incessamment les
verres et les bols dans un baquet, pour les tendre, encore ruisselants
d'eau, sous les robinets, d'où coulait le filet rouge du vin ou le filet
d'or du cidre pur. Et les danseurs assoiffés, les vieux tranquilles, les
filles en sueur se pressaient, tendaient les bras pour saisir à leur tour
un vase quelconque et se verser à grands flots dans la gorge, en
renversant la tête, le liquide qu'ils préféraient.
Sur une table on trouvait du pain, du beurre, du fromage et des saucisses.
Chacun avalait une bouchée de temps en temps, et, sous le plafond de
feuilles illuminées, cette fête saine et violente donnait aux convives
mornes de la salle l'envie de danser aussi, de boire au ventre de ces
grosses futailles en mangeant une tranche de pain avec du beurre et un
oignon cru.
Le maire qui battait la mesure avec son couteau s'écria :« Sacristi ! ça
va bien, c'est comme qui dirait les noces de Ganache. »
Un frisson de rire étouffé courut. Mais l'abbé Picot, ennemi naturel de
l'autorité civile, répliqua : « Vous voulez dire de Cana. » L'autre
n'accepta pas la leçon. « Non, monsieur le curé, je m'entends ; quand je
dis Ganache, c'est Ganache. »
On se leva et on passa dans le salon. Puis on alla se mêler un peu au
populaire en goguette. Puis les invités se retirèrent. |