Mon cher, Ce n'est pas seulement du
plaisir que m'a procuré ta lettre, en la recevant j'en ai éprouvé de plus
du bien-être. Une certaine tristesse intérieure me possède et, vrai Dieu,
je ne rêve que de cette femme dont je te parlai. J'ignore qui elle est; je
la vois passer quelquefois dans la rue en allant au monotone collège. J'en
suis morbleu à pousser des soupirs, mais des soupirs qui ne se trahissent
pas à l'extérieur, ce sont des soupirs mentals ou mentaux, je ne sais.
Ce morceau poétique que tu m'envoies m'a fort réjoui,
j'ai beaucoup aimé te voir ressouvenir du pin qui ombrage les bords de
Palette que j'aimerais - foutu sort qui nous sépare, que j'aimerais te
voir arriver. Si je ne me retenais, je lancerais quelques kyrielles de «
nom de Dieu », de « bordel de Dieu », de « sacré putain », etc., contre le
ciel ; mais à quoi bon se mettre en colère, cela ne m'avancerait de rien,
donc je me résigne. Oui, comme tu le dis dans un autre morceau non moins
poétique (cependant je préfère ton morceau sur la nage) tu es heureux, oui
tu (es) heureux, toi, mais moi, malheureux, je sèche en silence, mon amour
(car c'est de l'amour ce que je ressens) ne saurait éclater au dehors.
Un certain ennui m'accompagne partout et par moment
seulement j'oublie mon chagrin : c'est lorsque j'ai bu un coup. Aussi,
j'aimais le vin, je l'aime plus encore. Je me suis grisé, je me griserai
plus encore, à moins que par un inespéré bonheur - hé bien ! je puisse
réussir, nom d'un Dieu ! Mai non, je désespère, je désespère, aussi je
vais m'abrutir. |