Propriété
Château de MAUVES, Grand vin de Bordeaux, Graves, Gironde,
Aquitaine)
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L'automne |
Monsieur,
Ha ! que j'aurais maintenant de plaisir à jurer contre l'Automne, si je ne
craignais de fâcher le Tonnerre. Toutefois, il ne sera pas dit que le Ciel
me parle si haut sans que je lui réponde et sans que je fouette cette
enragée saison qui le contraint de tuer avec un éclair, un tonnerre et un
carreau, afin de mettre trois bourreaux dans une mort : l'éclair s'allume
pour étreindre notre vue à force de lumière, et, précipitant nos paupières
sur nos prunelles, il nous fait passer de deux petites nuits, de la
largeur d'un double, dans une autre aussi grande que l'Univers. L'air, en
s'agitant, enflamme ses aposthumes ; (en) quelque part où nous tournions
la tête, un nuage sanglant semble avoir déplié entre nous et le jour une
tenture de gris brun doublée de taffetas cramoisi ; la Foudre engendrée
dans la nue crève le ventre de sa mère et la nue, grosse de lui, s'en
délivre avec tant de douleur que les montagnes les plus sauvages gémissent
aux cris de cet accouchement.
L'Automne cependant, aux péchés de laquelle il ne manquait plus que de
faire imputer à son Créateur les vices de la Nature, fait au vulgaire
nommer ce tintamarre les instruments de la Justice de Dieu ; et admirez un
peu, je vous prie, le bel ordre de cette justice : Un misérable meurt, on
l'enterre ; ce cadavre pourrit dans son linceul s'exhale à travers le
gazon de sa fosse, il monte et va se loger dans une nue où, s'étant
endurci par le choc, il crèvera peut-être au pied d'un autel sur la tête
de son fils qui priait pour son âme. Mais quand il serait vrai qu'une
chose si frêle fût le bras droit du Tout-Puissant, il ne s'en suit pas
pour cela qu'une saison destinée à la Foudre (c'est-à-dire à nous
massacrer) soit plus agréable que les autres, ou bien il faut conclure que
le temps le plus agréable de la vie d'un criminel est celui de son
exécution. Je crois qu'en suite de ce funeste Météore, nous pouvons passer
au vin, puisque c'est un Tonnerre liquide, un courroux potable, et un
trépas qui fait mourir les ivrognes de santé. Il est cause, le furieux,
quelques abstinents que nous soyons, que la définition qu'Aristote a
donnée pour l'homme d'animal raisonnable soit fausse ; au moins durant
trois mois de l'année on peut dire du cabaret que c'est là où l'on vend la
folie par bouteilles, et je doute même s'il n'est point allé jusque dans
les Cieux faire sentir ses fumées au Soleil, voyant comme il se couche
tous les jours de si bonne heure. La Terre en but tant au siècle de
Copernic qu'elle s'en mit à pirouetter, et si maintenant elle se meut, ce
sont assurément des SS que l'ivrognerie lui fait faire. Je ne laisse pas,
néanmoins, d'aimer à voir l'eaude-vie en abhorrant son père, à cause
qu'elle m'est un témoignage qu'on a forcé le vin de rendre l'esprit. Nous
voilà donc (en ce temps) condamnés à mourir de soif, puisque notre
breuvage est empoisonné. Voyons si les fruits se sont sauvés de la rage
de décembre. Hélas ! pour un seul (fruit) qu'Adam mangea, cent mille
personnes moururent qui n'étaient pas encore, et s'il en eût entamé un
second, il eût infailliblement chassé la Terre à trente lieues de là.
Toute la Nature est à présent partagée au supplice de ses criminels ;
elle-même les monte à la fourche, l'arbre les jette la tête en bas, le
vent les secoue (et) le Soleil les détache et les oiseaux se saoulent de
leurs troncs pourris.
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